- TRACES (ÉLÉMENTS EN)
- TRACES (ÉLÉMENTS EN)Le concept d’élément en traces est utilisé en géochimie et résulte de considérations quantitatives sur un élément au sein d’un minéral ou d’un ensemble de minéraux. L’étude chimique des minéraux et des roches a montré que la composition idéale de ces matériaux est le plus souvent théorique et que certains éléments chimiques peuvent apparaître en petites quantités au sein des minéraux. Ainsi, indépendamment de l’étude des éléments en traces pour eux-mêmes, on a tenté de les envisager comme anomalie significative des conditions de genèse du minéral ou de l’ensemble des minéraux qui les contiennent. Le développement des techniques analytiques a permis de préciser leur localisation et de distinguer, indépendamment des éléments en traces substitués dans les réseaux des minéraux, les éléments concentrés dans les fissures des minéraux ou dans l’espace intergranulaire. Cette distinction essentielle éclaire alors les conséquences pratiques de l’étude de la répartition des éléments en traces, soit dans le domaine de la recherche minière, et de la compréhension d’un processus géologique ou de la formation d’un gîte métallique (thermomètre géologique par exemple), soit dans le domaine de la récupération des métaux à partir des minerais pauvres (mobilité géochimique des éléments fissuraux).Le concept d’élément en tracesDans la bibliographie géochimique, il est courant de trouver, employés comme synonymes, des termes tels que: «éléments en traces» (ou «éléments traces»), «éléments rares», «oligoéléments», «éléments dispersés», «éléments mineurs», «éléments accessoires», etc. En général, c’est le critère pondéral qui définit un élément en traces.Dans le tableau, on a groupé les 80 éléments essentiels composant la croûte terrestre d’après les données de V. M. Goldschmidt (1937), de K. Rankama et T. G. Sahama (1950) et de B. Mason (1958), modifiées en partie par A. P. Vinogradov (1962). Il n’a pas été tenu compte des éléments radioactifs de vie courte, ni de certains gaz rares tels que le néon, le krypton et le xénon, dont la teneur est inférieure à 0,001 塚/g (1 塚 = 10 size=1漣6 g). Ces 80 éléments ont été répartis en trois grands groupes (I, II, III), caractérisés par des écarts importants de teneurs.Les 12 éléments du groupe I (teneurs supérieures à 1 000 塚/g), qui, à eux seuls, représentent les 99,4 p. 100 de la composition moyenne de la croûte terrestre, ont été divisés en deux sous-groupes caractérisés par une coupure nette des teneurs entre le magnésium et le titane. Le groupe II (de 1 à 1 000 塚/g), comprenant 46 éléments, a été subdivisé en trois sous-groupes: le premier, comprenant 10 éléments de teneurs comprises entre 100 et 700 塚/g; le deuxième, constitué par 14 éléments dont les teneurs varient entre 10 et 100 塚/g; le troisième, de 22 éléments avec des concentrations de 1 à 10 塚/g. Les 22 éléments restants, dont les teneurs sont inférieures à 1 塚/g (jusqu’à 0,001 塚/g), constituent le groupe III.Le tableau permet de représenter la classification proposée par Vinogradov (1959) des éléments à faible teneur:– éléments rares , comme le terbium, le lutétium, le mercure, l’iode, le bismuth, par exemple, dont la quantité totale dans la croûte terrestre est très faible, inférieure à 1 塚/g, qui se trouvent généralement en quantités infimes en substitution isomorphe dans les minéraux et dans les roches et qui sont rarement exprimés comme minéraux;– éléments mineurs comme le zirconium, le titane, le chrome, le baryum, dont la teneur dans les roches est appréciable et qui forment couramment des minéraux isolés;– éléments dispersés , comme le rubidium, le hafnium, entre autres, dont les teneurs sont assez significatives mais qui ne sont pas exprimés comme minéraux.Cette classification est très intéressante du point de vue théorique comme du point de vue pratique, mais elle exige une connaissance géochimique approfondie de chaque élément, c’est-à-dire de son cycle évolutif et surtout de sa forme de localisation ou de fixation. Cette connaissance dépend, entre autres, de la puissance analytique des moyens de recherche mis en jeu.Une autre classification proposée récemment par D. M. Shaw (1964), distinguant des éléments majeurs (plus de 10 000 塚/g), des éléments mineurs (entre 10 000 et 1 000 塚/g) et des éléments en traces (moins de 1 000 塚/g), conserve tous les inconvénients inhérents à une classification uniquement pondérale et ne présente, par contre, aucun des avantages d’une systématique dynamique telle que celle qui a été conçue par Vinogradov.L’élément en traces n’est pas défini seulement par sa teneur (critère statique), mais aussi par certaines propriétés particulières telles que sa mobilité géochimique, sa facilité de migration et les composés qu’il peut former, composés qui sont d’ailleurs variables suivant le mode de fixation de l’élément dans un milieu donné.L. V. Tauson (1956) a proposé de classer les éléments en traces présents dans une roche en éléments silicatés et extrasilicatés. Sous leur forme silicatée, les éléments en traces (lithium, béryllium, scandium, titane, vanadium, chrome, etc.) seraient liés au réseau des silicates soit comme constituants primaires de la maille cristalline, soit par remplacement diadochique; leur propriété fondamentale serait leur faible mobilité chimique. Autrement dit, leur dispersion serait conditionnée par la destruction du minéral hôte. Au contraire, les éléments en traces présents sous forme extrasilicatée, tels le cuivre, le zinc, le plomb, le molybdène, par exemple, se trouveraient hors du réseau, sous forme de composés simples (sulfures, oxydes, etc.), seraient très mobiles et migreraient donc facilement.Ces essais de classification des éléments en traces en fonction de leur localisation dans un minéral ou même dans une roche élargissent considérablement le problème. Ce sont de nouveaux facteurs à ajouter à la classification pondérale.Le dosage des éléments en tracesLe dosage d’un élément en traces dans une roche peut être effectué par les techniques analytiques traditionnelles. La mise en solution du minéral ou de la roche permet d’utiliser ensuite soit les méthodes colorimétriques, polarographiques, par exemple, soit la spectrométrie d’absorption atomique; on aboutit alors, pour les éléments courants tels que les métaux, à des seuils de détection de l’ordre de 10 size=1漣7 à 10 size=1漣9 塚/g. La phase de mise en solution peut être évitée par l’utilisation de la spectrométrie d’émission à lecture directe; les seuils de détection obtenus atteignent alors 10 size=1漣6 塚/g.Si l’on veut déterminer la localisation des éléments en traces dans leur contexte, il convient alors de s’adresser à des méthodes non destructives, parmi lesquelles on doit signaler: la diffraction des rayons X, qui permet de mettre en évidence les variations des paramètres cristallins du minéral pouvant être reliés à l’existence de solutions solides; le microanalyseur à sonde électronique (microsonde de Castaing), qui permet l’analyse quantitative ponctuelle d’un volume de 1 micromètre cube.La localisation des éléments en tracesOn distinguera les éléments en traces qui sont exprimés minéralogiquement de ceux qui ne le sont pas.Éléments en traces exprimés minéralogiquementDans certains cas, les éléments en traces forment, en combinaison avec d’autres éléments, un minerai de très petite taille, inclus dans un minéral plus grand. Ces microinclusions, dont la taille est inférieure à 50 micromètres, ont été particulièrement bien étudiées à propos des minerais. La microscopie optique, la microanalyse à sonde électronique sont les techniques les plus couramment utilisées pour les mettre en évidence et préciser leur composition chimique.La formation de ces minéraux suit les règles classiques de la chimie des solutions (qui font intervenir, par exemple, le produit de solubilité, la concentration, la température, la pression) ou les règles de démixtion des solutions solides. C’est par l’examen de leur forme, très variée le plus souvent, et des relations avec le minerai hôte que l’on peut préciser leur mode de formation. Les exemples de ce type sont nombreux, et l’on peut citer le cas du tellure, qui apparaît en micro-inclusions de tellurures (de plomb, d’or et d’argent, de nickel, par exemple) dans les sulfures, celui du germanium, qui peut apparaître sous forme de micro-inclusions de sulfures complexes dans les sulfures, etc.Éléments en traces non exprimés minéralogiquementLes substitutions diadochiquesV. M. Goldschmidt (1937, 1945) a dégagé les critères qui conditionnent la substitution mutuelle de deux ions (diadochie) dans une même structure, purement ionique et sans défauts. Il a pu montrer que le comportement géochimique des éléments est indépendant de leur situation dans le tableau périodique. Ce comportement est soumis au principe suivant: quand deux ions peuvent se substituer mutuellement dans une structure donnée (ions diadochiques), celui qui apporte une énergie maximale à la structure est incorporé préférentiellement.En partant de ce principe, on peut déduire les règles suivantes: la diadochie entre deux ions est possible quand la différence des rayons ioniques ne dépasse pas 15 p. 100; quand deux ions de même charge mais de rayons différents sont en compétition dans une structure donnée, c’est celui dont le rayon est plus petit qui est fixé; si les rayons ioniques sont similaires ou identiques, c’est l’ion dont la charge est plus forte qui est incorporé au réseau.Ces principes sont difficilement applicables aux minéraux, étant donné l’influence de liaisons covalentes qui, de règle générale, coexistent avec les liaisons ioniques et qui modifient profondément le comportement idéal prévu par les règles de Goldschmidt. De plus, ces mécanismes sont valables pour des ions dont la coordinance est constante. Mais nous savons que, dans un minéral, il est très courant de trouver le même élément avec plusieurs valences, et par conséquent avec différents rayons ioniques et différentes coordinences.Pour les éléments en traces, l’application des règles de Goldschmidt conduit à trois types structuraux qui sont fonction du type de localisation de l’élément dans le minéral:– camouflage : l’élément en traces remplace diadochiquement un élément majeur de même valence (Ga3+-Al3+; Ge4+-Si4+, par exemple);– capture : l’élément en traces possède une valence supérieure à celle de l’élément majeur (Sc3+-Mg2+; Pb2+-K+, par exemple);– admission : l’élément majeur possède une valence supérieure à celle de l’élément en traces (Mg2+-Li+; OH size=1漣-F size=1漣; Al3+-Be2+; Si4+-Be2+, par exemple).L’atome d’un élément en traces en substitution diadochique occupe donc dans le cristal des positions fixes et joue le même rôle du point de vue de la stabilité de l’ensemble que l’élément majeur qu’il a substitué. Cependant, différents auteurs ont déjà signalé plusieurs éléments dont le comportement s’écarte de celui qui est prévisible par les règles de Goldschmidt. En ce qui concerne la diadochie, le concept d’électronégativité permet de comprendre le comportement «aberrant» de certains atomes vis-à-vis de celles-ci.Les éléments en traces situés hors du réseauLe développement des techniques analytiques, et en particulier de la microanalyse à sonde électronique, a permis (J. Goni et C. Guillemin, 1964) de montrer sur des exemples réels que le schéma de substitution diadochique dans les minéraux ne correspondait pas toujours à la réalité et qu’il existe des localisations hors du réseau. Celles-ci peuvent être intercristallines ou intracristallines. Dans le premier cas, les éléments sont accumulés dans les interfaces des minéraux; c’est le cas du cuivre, du plomb, du zinc dans certains granites, du cobalt et du nickel dans les serpentinites. Dans le second cas, les éléments sont dans les discontinuités physiques à l’intérieur des minéraux. C’est le cas du cuivre, du chrome, du vanadium dans certaines biotites, du plomb dans certaines aragonites. Ces cations entrent alors dans des combinaisons chimiques, essentiellement sous forme oxydée ou oxyhydratée, et sont fixés par adsorption physique ou retenus par des forces de Van der Waals.Intérêt de l’étude des éléments en traces et de leur localisationLa reconnaissance qualitative et quantitative des éléments en traces et de leur localisation dans les minéraux et les roches a des implications multiples, tant purement scientifiques qu’industrielles.Lorsque les éléments en traces sont exprimés minéralogiquement, la reconnaissance de ces minéraux, en particulier au sein d’une minéralisation, est d’un grand intérêt pour la connaissance d’un gisement: elle peut permettre de rattacher ce gîte à un autre gîte mieux connu; elle peut aider à définir une province métallogénique. Ces éléments peuvent, en outre, augmenter la valeur marchande d’un minerai, car ils sont souvent récupérables.Les éléments en traces, qui accompagnent les argiles, servent de marqueurs d’origine et d’histoire pour le sédiment qui contient ces minéraux. En effet, au cours de leur formation supergène, les argiles héritent des roches qui leur ont donné naissance, des particularismes géochimiques en éléments traces. Elles reflètent également, par ces éléments, certaines caractéristiques des milieux de sédimentation, dans lesquels elles ont baigné.Les éléments en traces en substitution diadochique sont utilisés comme thermomètre géologique. Préciser la température de formation d’un minéral ou d’un ensemble de minéraux peut être d’un grand secours pour la connaissance de l’histoire géologique d’une région et pour l’étude du mode de formation d’un gisement métallique. L’utilisation du coefficient de partage d’un élément en traces entre deux espèces minérales permet de répondre à cette question. Lorsque deux minéraux A et B, pouvant accepter, selon les règles de substitution diadochique, le même élément trace dans leur réseau, cristallisent de manière simultanée, on dit qu’il y a partage si: CA/CB = Cte = D (où CA est la concentration de l’élément trace dans A et CB celle de l’élément trace dans B). Ce partage ne peut exister que dans une zone de concentration donnée. Si la valeur du coefficient de partage D dépend de la température, et si l’on connaît expérimentalement cette dépendance, on définit alors un thermomètre géologique. L’application à des problèmes réels reste toutefois délicate, car cela suppose, en particulier, la connaissance expérimentale des variations de D = f (t ), ainsi que l’absence d’intervention d’autres éléments en traces.Les éléments en traces dans les fissures offrent enfin des possibilités d’exploitation. Les énergies de liaison de type Van der Waals qui caractérisent la fixation de ces éléments impliquent une grande mobilité sous le jeu des réactifs chimiques. Des travaux expérimentaux de lixiviation à basse température, au moyen d’acides organiques connus pour leur pouvoir chélatant vis-à-vis des métaux lourds, confirment cette propriété. Elle est d’un grand intérêt pour la récupération des métaux à partir de minerais pauvres, la mise en évidence d’une localisation fissurale des métaux pouvant alors permettre d’envisager des méthodes de récupération par lixiviation.
Encyclopédie Universelle. 2012.